SfN Paysages viticoles

Les solutions fondées sur la nature : un levier pour la durabilité des paysages viticoles

Témoins d’un patrimoine culturel vivant et de traditions viticoles séculaires, les vignobles européens sont aussi devenus, dans de nombreuses régions, des milieux parfois très intensifs, appauvris écologiquement et vulnérables aux dérèglements climatiques. Pourtant, il existe des solutions pour protéger ce patrimoine tout en maintenant la capacité de ces terres agricoles à produire et de créer de la valeur pour les territoires. Parmi elles, les solutions fondées sur la nature (ou Nature-based Solutions, aussi appelées SfN) offrent des pistes prometteuses.

Cet article, basé sur une analyse bibliographique menée par Adrien Rusch dans le projet VITAE du PPR Cultiver et Protéger Autrement, explore comment les SfN peuvent être intégrées dans les paysages viticoles pour renforcer leur durabilité écologique et soutenir ainsi une réduction des pesticides en viticulture.

Que sont les solutions fondées sur la nature et pourquoi s’y intéresser en viticulture ?

Les solutions fondées sur la nature (SfN) désignent des actions qui s’appuient sur les écosystèmes eux-mêmes et les processus naturels pour répondre à des enjeux sociétaux, tels que l’adaptation au changement climatique, la gestion des ressources naturelles ou encore la sauvegarde de la biodiversité.

En viticulture, cela peut se traduire par des pratiques telles que l’implantation de haies ou de prairies permanentes, le maintien de couverts végétaux entre les rangs de vigne, la préservation de zones humides, l'utilisation de variétés résistantes à certains pathogènes, ou la diversification des cultures. Ces actions contribuent à la préservation de la biodiversité et renforcent certains services écosystémiques essentiels au fonctionnement des paysages viticoles : régulation thermique, contrôle des ravageurs, amélioration de la structure du sol, rétention d’eau …

Exemples de solutions fondées sur la nature dans les paysages viticoles
© Camille Lamy - INRAE

© Camille LAMY - INRAE

La synthèse proposée s’appuie sur une analyse transdisciplinaire croisant écologie, sciences agronomiques et sciences sociales dans le but de clarifier le potentiel des SfN pour répondre aux défis multiples auxquels sont confrontés les territoires viticoles. Il s’agit notamment de :

Comprendre comment différentes pratiques, de la parcelle au paysage, peuvent soutenir des services écosystémiques essentiels au fonctionnement des paysages viticoles.
Identifier les conditions dans lesquelles les SFN sont les plus efficaces.
Proposer des pistes concrètes d’intégration des SFN dans les politiques d’aménagement, agricoles et environnementales.

À quelles conditions ces solutions sont-elles efficaces ?

Cette synthèse montre que l’efficacité des SfN dépend de plusieurs facteurs. D’abord, leur intégration à l’échelle du paysage est essentielle. Un aménagement isolé, comme une bande enherbée ou un arbre solitaire, aura un impact limité s’il est entouré de monocultures intensives. En revanche, lorsque les éléments naturels sont interconnectés et pensés dans leur cohérence spatiale, leurs effets positifs se renforcent. Ensuite, la qualité de leur mise en œuvre (choix des espèces, gestion des couverts, entretien) est déterminante. Toutefois, leur déploiement repose sur des facteurs sociaux et économiques. L’adhésion des viticulteurs, l’action collective, l’accessibilité des connaissances, le cadre réglementaire et les incitations économiques jouent un rôle central dans leur adoption. L’étude souligne par ailleurs l’importance de joindre des démarches participatives et de co-conception pour garantir l’appropriation locale des projets.

Quelles transformations et orientations cela suppose-t-il dans la gestion des territoires ?

Mettre en œuvre des SfN à grande échelle implique de passer d’une logique centrée sur la parcelle et sur une productivité immédiate, à une approche plus systémique évaluant la multifonctionnalité des systèmes viticoles à l’échelle des territoires et sur le long terme. Cela nécessite également de repenser la planification territoriale en associant les acteurs locaux (viticulteurs, élus, citoyens, chercheurs – dans des démarches participatives. Il s’agit aussi d’articuler les différents niveaux de décision : politiques agricoles (e.g., Politique Agricole Commune), politiques d’aménagement du territoire, stratégies locales de résilience ou de transition. L’article souligne notamment l’importance d’expérimenter, de co-construire et d’adapter les SfN au plus près de la réalité du terrain et des contraintes des acteurs.

Aussi, l’étude met en avant plusieurs manques de connaissances et souligne des orientations pour un déploiement effectif des SfN :

  • Évaluer les effets combinés des SfN à travers les échelles et quantifier leurs impacts sur sur les bouquets de services écosystémiques et la multifonctionnalité des paysages ;
  • Intégrer les demandes des parties prenantes et favoriser la recherche-action et les dispositifs collaboratifs, notamment les laboratoires vivants (living labs), afin d’expérimenter des solutions dans des conditions réelles ;
  •  Renforcer la capacité de politiques comme la Politique Agricole Commune (PAC) et les indications géographiques (AOP, IGP) pour soutenir le déploiement de SfN et adapter les instruments économiques et réglementaires pour soutenir les pratiques vertueuses.

Quelles perspectives pour les vignobles européens ?

Les solutions fondées sur la nature offrent des leviers multifonctionnels pour accompagner la transition agroécologique des territoires viticoles en conciliant productivité, adaptation aux aléas climatiques et restauration des équilibres écologiques. À condition d’être pensées collectivement, soutenues par les politiques publiques, et adaptées aux spécificités locales, elles peuvent contribuer à faire du vignoble un laboratoire exemplaire d’une agriculture durable et résiliente.

En conclusion, cette synthèse de la littérature met en évidence la nécessité de faire évoluer les paysages viticoles en intégrant des solutions fondées sur la nature dans l’objectif de faire face aux multiples défis environnementaux mais aussi socio-économiques qu’ils rencontrent. Cette évolution se fera non seulement en complétant les connaissances actuelles autour des effets des SfN sur le fonctionnement des paysages viticoles mais aussi en réorganisant les filières et les territoires pour favoriser l’émergence et la valorisation de ces solutions.

 Voir l’article : https://hal.inrae.fr/hal-04919476v1

Adrien Rusch. Nature-based solutions to increase sustainability and resilience of vineyard-dominated landscapes. Basic and Applied Ecology, 2024, 82, pp.70 - 78. ⟨10.1016/j.baae.2024.12.005⟩. ⟨hal-04919476⟩