Apprendre des écosystèmes pour concevoir des agrosystèmes durables

[PUBLICATION] - Régulation plante-sol dans les cycles des nutriments : Apprendre des écosystèmes pour concevoir des agrosystèmes durables

Focus sur la publication "Plant–soil synchrony in nutrient cycles: Learning from ecosystems to design sustainable agrosystems" co-écrite par Sébastien Fontaine, Luc Abbadie, Michaël Aubert, Sébastien Barot, Juliette M. G. Bloor, Delphine Derrien, Olivier Duchene, Nicolas Gross, Ludovic Henneron, Xavier Le Roux, Nicolas Loeuille, Jennifer Michel, Sylvie Recous, Daniel Wipf, Gaël Alvarez

Cet article publié dans le cadre du projet de recherche MOBIDIV est le résultat d’un travail d’échanges entre chercheurs relevant de différentes disciplines (écologie, biogéochimie, agronomie), et reposant sur une collecte de données autour des pratiques agroécologiques testées et adoptées par les agriculteurs et les instituts techniques.

L’objectif est de comprendre comment les écosystèmes naturels sont durablement productifs et multifonctionnels, c’est-à-dire capable de fournir plusieurs services en même temps (production de biomasse, stockage de carbone, purification de l’eau drainée, …), et d’utiliser ces connaissances pour reconcevoir les agrosystèmes dans une démarche d’agroécologie.

L’hypothèse originale émise dans l’article repose sur la capacité des écosystèmes naturels, en comparaison aux agroécosystèmes, à garantir un équilibre des ressources dans le milieu leur permettant d’être durablement productifs. Cette meilleure synchronisation des échanges se traduit notamment par une balance entre l’offre en nutriments solubles des organismes du sol et la demande très fluctuante des couverts végétaux pour ces nutriments. En effet, tout déséquilibre entre l’offre et la demande génère soit des pertes de production végétale, soit des excès de nutriments conduisant à des pollutions des eaux et de l’air et à appauvrissement des sols.

La première partie de l’article décrit 4 systèmes écologiques de régulation de l’offre à la demande ainsi que leur importance relative dans le fonctionnement des écosystèmes selon les conditions de sol et de climat. Ces régulations proviennent de l’interaction entre les groupes fonctionnels de plantes et de microbes, chacun cherchant à satisfaire ses propres besoins, et du stockage ou déstockage de nutriments de différentes réserves (matières organiques, roches-minéraux, marché commun). Bien que les intérêts des organismes divergent, et que les interactions entre eux peuvent être négatives, le fonctionnement d’ensemble des organismes dans ces systèmes contribue à un bien commun (conservation des nutriments dans l’écosystème, maximisation de l’utilisation des ressources en eau et en lumière, …).

Les quatre systèmes de régulation identifiés dans ce cadre sont : Sync-MAOM pour les régulations basées sur la matière organique associée aux minéraux, Sync-FreeOM pour les régulations basées sur la matière organique dite libre, Sync-Inorganic pour les régulations basées sur les nutriments inorganiques extraits de l'atmosphère et des minéraux, et enfin Sync-Market en référence à de multiples nutriments favorisés simultanément.

La deuxième partie de l’article exploite les connaissances synthétisées sur les milieux naturels pour proposer des stratégies de reconception des agrosystèmes. La particularité de cette approche est de proposer des pratiques adaptées aux conditions pédoclimatiques locales en utilisant des mécanismes écologiques promouvant la productivité des écosystèmes mais aussi les services de régulation. Une synthèse bibliographique sur les effets de pratiques agroécologiques permet de soutenir certaines des propositions. Ce travail propose également de nouvelles pratiques à tester et qui devrait accroître encore la productivité et la durabilité des agrosystèmes, y compris dans les situations pédoclimatiques difficiles (climats extrêmes, sols sableux…).

Parmi les pratiques et les combinaisons de pratiques retenues, voici quelques exemples favorisant la synchronisation entre l'apport en éléments nutritifs du sol et la demande en éléments nutritifs des plantes par le biais des quatre systèmes de régulation identifiés :

  • Sync-MAOM :
    • La sélection d’espèces permettant de stimuler le microbiome du sol pour sa capacité à la minéralisation, par exemple via les rhizodépôts (riches en carbone).
    • Le maintien d’un couvert continue de plantes actives fournissant au microbiome du carbone (source d'énergie).
  • Sync-Free-OM :
    • Le recyclage des nutriments organiques à l’échelle locale (exploitation agricole-bassin versant) pour préserver la réserve organique du sol à long terme.
    • Recycler les nutriments organiques à l'échelle locale (ferme-bassin versant) pour préserver les réserves organiques du sol à long terme.
  • Sync-Inorganic :
    • L’utilisation et le croisement d’espèces végétales ayant une forte capacité à mobiliser les nutriments des roches et des minéraux du sol, des racines mycorhizées exerçant une forte pression mécanique sur les minéraux, sécrétant de grandes quantités d'acides organiques et de ligands.
    • Utilisation de légumineuses
  • Sync-Market :
    • Le recours à des mélanges d’espèces végétales diversifiées apportant des stratégies d'acquisition des nutriments différentes pouvant satisfaire différents ratio carbones/nutriments.
    • La favorisation de plantes pérennes et/ou d’un couvert végétal permanent pour alimenter les mycorhizes en carbone

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